Robert CASTEL

Psychamérique : vers la société postpsychanalytique

Pouvoirs n°11 - La psychanalyse - novembre 1979 - p.143-154

On entend souvent dire que la psychanalyse, aux Etats- Unis, serait aujourd’hui « dépassée ». Ce n’est pas tout à fait exact. D’abord parce qu’elle est plutôt banalisée, c’est-à-dire qu’elle garde une place et des indications propres, mais intégrées dans l’éventail de ces dispositifs d’intervention sur l’homme dont les Etats-Unis proposent la gamme la plus large. Mais surtout parce que la plupart des nouvelles techniques qui sont à la base des « thérapies pour les normaux » se sont définies à la fois contre la psychanalyse, et par rapport à elle. Elles constituent ainsi une part de son héritage. En fait, elles ont repris l’ambition psychanalytique de casser les anciennes frontières entre le normal et le pathologique et de recoder l’ensemble de la sociabilité humaine à partir de catégories psychologisantes. Ce que l’on peut commencer à appeler l’ère de la postpsychanalyse se laisse ainsi interpréter comme une version élargie de la stratégie d’invalidation des enjeux sociaux et politiques à laquelle la psychanalyse américaine, au temps de son hégémonie, avait donné la première caution « scientifique », et dont elle avait constitué le principal vecteur de diffusion.

Auteur(s)

To top