Jean-Paul DURAND
Code civil et droit canonique
Pouvoirs n°107 - Le Code civil - novembre 2003 - p.59-79
Code civil et droit canonique, deux rationalités juridiques qui se sont interpellées
: le Code napoléon, moins révolutionnaire que les mesures civiles de
1791-1792, n’a pas hésité à s’appuyer sur l’ancien droit français forgé, lui, par
le droit romain et le droit canonique. Mais la modernité de ce Code de 1804
a voulu, comme le réclamait Voltaire, sortir le droit matrimonial français de
la tutelle ecclésiastique. De son côté, le droit canonique n’avait pas attendu
1789 pour chercher à garantir – solennellement dès 1563 – la liberté pour les
futurs époux et spécialement celle des femmes, de consentir à leurs épousailles.
C’est tout de même le génie napoléonien de la codification qui a inspiré
le droit canonique compilé à se codifier au XXE siècle, une mesure qui a
marqué toute la chrétienté. L’ancien droit français avait su s’emparer du
droit divin pour affermir son autorité. Le droit divin du souverain, supplanté
par la nation et la raison après 1789, n’est pas réintroduit dans l’État de droit
français par le Code Napoléon, tandis qu’il subsiste dans la canonicité de
l’Église catholique romaine, au sommet d’une hiérarchie des normes religieuses
complète. Avec le développement d’un pluralisme de valeurs, tant en
France que dans les autres régions les plus occidentalisées du monde contemporain,
la poursuite de l’oeuvre civile de codification peut dialoguer avec des
valeurs comme celles de la canonicité catholique ; elles ne représentent plus
le projet d’une contre-société pour l’État de droit.