Philippe ARDANT, Hugues PORTELLI

Introduction

Pouvoirs n°19 - Italie - septembre 1981 - p.3

Les transformations culturelles et institutionnelles du système politique italien semblent désormais entrées dans un processus irréversible. Au moment où le nouveau ne parvient pas à l’emporter et où les archaïsmes persistent, il est d’autant plus nécessaire de démêler l’écheveau que compliquent à loisir les débats entre acteurs politiques.

Depuis les débuts de la République, l’Italie a vécu sur l’image, confortée par l’occupation constante du pouvoir par la Démocratie chrétienne, d’un pays marqué par le poids de l’Eglise et de la culture catholique. Pourtant la laïcisation accélérée de la société rend en partie caduque cette appréciation. La crise de l’Eglise, de la DC, des rapports Eglise-Etat le soulignent bien. Tout comme celle de la stratégie de compromis historique du PCI.

Faut-il pour autant lire l’évolution récente de l’Italie comme la victoire de la modernité sur la tradition et évacuer les analyses sur la complexité d’un cas italien dont les problèmes sont loin de se limiter à ces seuls facteurs culturels ?

Non moins décisives sont les données socioculturelles, la coupure entre le Nord et le Sud, l’un industrialisé, l’autre proche du Tiers Monde, entraînant l’opposition entre deux conceptions de la politique, celle des partis de niasse et celle d’un clientélisme qu’aggravent des phénomènes tels que le parasitisme ou le poids de la Maffia. L’absence de tradition étatique et le quasi-monopole du pouvoir par un parti qui a utilisé à son profit l’interventionnisme économique ont de leur côté accru la corruption (qu’illustrent les scandales toujours plus impressionnants), la « lotisation » des appareils (cf. p. 17) et la tendance au corporatisme des
institutions et des partis.

La crise économique, enfin, n’a fait qu’aggraver la division entre une Italie qui se reconnaît dans les grands syndicats et bénéficie d’une protection sociale et économique, et une Italie du sous-emploi, de la précarité, de la marginalité qui se désintéresse toujours plus de la politique traditionnelle et donne prise à des phénomènes aussi graves que le terrorisme.

C’est l’ensemble de ces facteurs, tout comme le poids considérable d’un mouvement social qui, dans les années 68-73, a acquis une force politique décisive et s’est doté d’une autonomie institutionnelle (conseils, syndicats) qui constitue encore aujourd’hui le « cas italien » et qui rend d’autant plus passionnant un débat politique et institutionnel dont on comprend bien qu’il ne peut être coupé d’un contexte omniprésent.

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