Introduction

Pour être sans doute l’un des pays que les Français ont le plus souvent visité pacifiquement ou non l’Espagne n’est probablement pas celui qu’ils ont le mieux compris. La guerre civile a dérouté au moins autant qu’elle a fasciné, puis, caparaçonnés dans leur dictature, les Espagnols ont paru voués à leur morne destin, comme si l’anachronisme était une composante essentielle de leur tempérament national.

Et voilà qu’engourdie par quatre décennies l’Espagne s’éveille sous les yeux étonnés de ceux qui assistent, quand ils craignaient une explosion, à une transition pacifique. Et si le terrorisme est là qui rappelle douloureusement qu’on ne saurait davantage réduire au « consensus » la réalité d’aujourd’hui qu’on ne pouvait résumer au seul « franquisme » celle d’hier, le fait demeure que le peuple espagnol, dans son immense majorité, a fait la preuve d’une maturité dont peu le croyaient capable.

La fin d’une dictature, l’élaboration d’une nouvelle Constitution, dans un pays voisin, sont autant de raisons qui font que POUVOIRS ne pouvait manquer cet heureux rendez-vous de l’histoire. Mais l’étendue des problèmes en instance excède largement les limites de ce volume. Aussi l’analyse s’est-elle cantonnée à certains des aspects essentiels de la transition (partis, syndicats, armée, Eglise…) et de la Constitution (processus, source, nature…), souvent étudiées, ici, par ceux-là mêmes qui en ont été les artisans ou y ont participé. Le texte intégral de la Constitution, déjà baptisée « la consensuelle », méritait enfin d’être publié pour compléter le tableau de cette Espagne géographiquement si proche, qui n’est encore qu’aux portes de l’Europe organique, mais déjà enfin au coeur de l’Europe politique.

Guy Carcassonne, José Vidal-Beneyto (1-1979).

Rapidement épuisé, le numéro de Pouvoirs consacré à l’Espagne méritait réédition. Mais le développement du processus démocratique espagnol compliquait la tâche en exigeant une actualisation. Confor¬ mément à l’idée initiale, en vertu de laquelle cette étude devait être réalisée principalement par des Espagnols, nous avons demandé à Père Vilanova de rendre compte de l’évolution politique ayant conduit les socialistes au pouvoir, à Joan Subirats et Joan Vintro d’analyser le développement législatif de la Constitution. Les autres contributions sont publiées dans leur version originelle, le premier regard porté sur la démocratie espagnole méritant d’être complété mais non démenti.

G. C, 0. D. (XI-1983).