Olivier DUHAMEL

Introduction

Pouvoirs n°27 - Le mendésisme - novembre 1983 - p.3

Le dictionnaire Robert connaît le mendélisme, pas le mendésisme. Et pourtant, il se pourrait que Pierre Mendès France soit un des seuls hommes politiques de la gauche française susceptible d’offrir durablement son patronyme à la création d’un nom commun, même s’il s’en défendait. L’affaire n’est pas encore entendue, d’autant que certains éléments paraissent manquer pour l’asseoir définitivement. Les contributions ici réunies, si elles permettent de le mieux cerner, confirment également son ambiguïté. Pas de parti mendesiste, mais une diaspora (Patrick Rotman), éclatée longtemps avant la mort de son inspirateur. Une inscription incontestable dans la tradition républicaine (Claude Nicolet), mais dont la survie semble aléatoire en une fin de siècle où le mot républicain s’obscurcit. Une entreprise de modernisation du politique, largement réalisée par la Ve République (Stanley Hoffmann), sans lui, contre lui. Parce que, malgré cette fin commune – faire accéder la France à la modernité – la méthode et l’idéal mendésistes, dans leur tension même (Marc Sadoun), étaient incompatibles avec le gaullisme ? Ou parce que les circonstances ont empêché toute rencontre des deux chefs – à moins que soit en cause la disparité des sentiments de Mendès France et de Gaulle face à la religion (René de Lacharrière) ?

Il fallait reprendre le fil historique, découvrir les premières innovations lors de son entrée sur la scène électorale à Louviers (David Clark), décrypter son irréductible distance à l’égard du radicalisme dans ses relations tumultueuses avec le parti radical (Jean-Thomas Nordmann), à l’égard des gauches dans une utilisation non réciproque (Paul Godt). Les influences d’hier expliquent alors les filiations d’aujourd’hui, le rôle joué par le mendésisme dans la transformation de la CFTC en CFDT (Paul Vignaux), ses parentés avec le rocardisme jusque dans l’échec (Hugues Portelli). Au-delà des élites, le mendésisme a effleuré les électeurs (Alain Lancelot), mais un autre finit toujours par éclipser P. M. F. dans l’opinion, Charles de Gaulle jadis, François Mitterrand naguère (Olivier Duhamel et Jean-Luc Parodi). Un échec de l’homme politique en termes d’exercice du pouvoir n’implique pas pour autant l’inefficacité de ses méthodes (Guy Carcassonne). Et si la bibliographie existante atteste la disparition du mendésisme comme courant politique (Félix Torrès), le présent numéro montre qu’il perdure comme conception du politique.

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