Nicole BELLOUBET
Ministre de la Justice, un oxymore ?
Pouvoirs n°178 - septembre 2021 - La Justice. Regards critiques - p.131-146
Parce qu’il n’est pas un ministre comme les autres, le ministre de la Justice occupe une place singulière qui, sans être exempte de soupçon, s’avère légitime. Le capital symbolique dont il bénéficie ne saurait faire oublier le réseau de contraintes (budgétaires, de la gestion des professions, des relations avec les médias, et surtout politiques) dans lequel il est enserré. Au cœur d’un paradoxe permanent, il représente le pouvoir politique face au monde de la justice mais aussi la justice face aux pouvoirs politiques. Des soupçons naissent quant à son influence supposée sur le cours de la justice (nomination des procureurs, instructions générales). Pour pallier ces doutes, des solutions sont préconisées, radicales (suppression du ministère de la Justice) ou graduées (instauration d’un procureur de la nation démocratiquement désigné). La place du ministre de la Justice est cependant légitimée par un triptyque indépassable : la cohérence de l’organisation judiciaire au sein de notre démocratie parlementaire, l’exigence d’une présence ministérielle notamment en période de crise, l’unité du droit et de l’État.