Philippe ARDANT, Gérard CONAC
Introduction
Pouvoirs n°25 - Les pouvoirs africains - avril 1983 - p.3
Peut-on appliquer aux pouvoirs africains les grilles d’interprétation familières aux politistes occidentaux ? Dans l’espace ouvert entre le sud du Sahara et les marches australes du pouvoir blanc la diversité des sociétés, des forces politiques et des institutions, paraît telle que le recours aux notions de régime présidentiel et de régime parlementaire, de pouvoir civil et de pouvoir militaire, de parti unique et de multipartisme, de libéralisme et de socialisme, de réforme et de révolution… apparaît comme sécurisant et susceptible d’apporter une compréhension au moins élémentaire. Mais en même temps comment ne pas sentir qu’il faut faire place au passé avec ses cultures, ses religions, l’empreinte de la colonisation, et aussi au tribalisme, au phénomène des chefferies ? Là encore d’ailleurs quelle est la part des stéréotypes, des représentations reçues, des concepts européo-centristes ?
L’ambition de ce numéro est d’aider à dépasser les apriorismes. Il souligne, semble-t-il, à travers des études aux inspirations opposées, voire contradictoires, la spécificité des pouvoirs africains et leur irréductibilité aux simplifications occidentales. Même si des concepts, ou des institutions, étrangers, paraissent étayer les façades, derrière eux ou contre eux, la vitalité des sociétés africaines éclate, le poids du sous-développement bouleverse les structures juridiques. Quelque chose de nouveau, d’original, n’est-il pas en train de prendre forme, une histoire qui avance sans mettre ses pas dans ceux des sociétés occidentales ?
La question est posée à laquelle seul le temps donnera la réponse. Et peut-être s’apercevra-t-on alors que les Africains n’ont été maîtres de leur histoire que dans les étroites limites qui s’imposent à tous les hommes. Ce n’est pas négligeable : les peuples n’expriment-ils pas leur génie à travers des variations sur des thèmes universels ?