Myriam BENLOLO-CARABOT

Introduction

Pouvoirs n°190 - septembre 2024 - La souveraineté européenne - p.5

« Confrontés à une instabilité et à une concurrence stratégique crois- santes et à des menaces grandissantes pour la sécurité, nous avons décidé d’assumer une plus grande responsabilité en ce qui concerne notre sécurité et de prendre de nouvelles mesures décisives en vue de construire notre souveraineté européenne, de réduire notre dépendance et d’élaborer un nouveau modèle de croissance et d’investissement pour 2030. »

Construire notre «souveraineté européenne», le mot est lâché. Le 11 mars 2022, soit quinze jours après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les chefs d’État et de gouvernement des vingt-sept États membres de l’Union européenne assument pour la première fois, en affirmant leur solidarité avec le peuple ukrainien, l’avènement souhaité d’une souveraineté européenne. Il ne s’agit donc plus seulement d’une prise de position d’un dirigeant d’un État membre, comme avait pu l’être le retentissant discours de la Sorbonne prononcé par le président Emmanuel Macron en 2017, pour « une Europe souveraine, unie, démocratique ». Ce 11 mars 2022, la « souveraineté européenne » est clairement envisagée comme une fin, un objectif ultime à atteindre pour une Union soucieuse d’affermir son indépendance dans un monde toujours plus instable.

Certes, d’aucuns diront que la force symbolique de la notion sert une finalité exclusivement politique, sans souci de la rigueur juridique qui doit conduire à dénier à l’Union européenne toute forme de «souveraineté ». D’autres insisteront au contraire sur la capacité performative d’un tel discours, sur ses potentialités et les effets d’ores et déjà avérés de ce dernier sur la manière dont l’Union réagit, construit ses politiques, se positionne au sein de son environnement, dans des domaines aussi variés que la politique économique, industrielle, de défense, sanitaire ou numérique. C’est l’objet du présent numéro que de mesurer la portée de cette « souveraineté » controversée et d’ouvrir la réflexion sur les multiples questionnements qu’elle suscite.

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