Philippe ARDANT, Olivier DUHAMEL

Introduction

Pouvoirs n°02 - Le Parlement européen - septembre 1977 (novembre 1981) - p.5

En 1979, l’Assemblée des Communautés européennes, qui s’était de longue date autoproclamée « Parlement européen », a été élue au suffrage universel direct. Les voix ne manquèrent alors pas pour annoncer et parfois dénoncer la perspective d’un glissement progressif vers une Europe fédérale dont l’Assemblée serait la constituante. Querelle au coeur du mythe européen et qui bouscule les clivages politiques habituels.

Rappelons deux exemples. Le 6 décembre 1978, Jacques Chirac lance « l’appel de Cochin » dans lequel il critique implicitement giscardiens et socialistes : « Comme toujours, quand il s’agit de l’abaissement de la France, le parti de l’étranger est à l’oeuvre, avec sa voix paisible et rassurante. Français, ne l’écoutez pas. » Le 11 décembre 1978, 86 députés communistes et 150 députés chiraquiens adoptent une proposition de loi RPR qui interdit le financement communautaire des campagnes électorales. Georges Marchais souligne : « Ce n’est pas la première fois dans l’Histoire que nous nous retrouvons quand les intérêts fondamentaux de la France sont en jeu. »

Et pourtant, en juin 1979, les élections européennes semblent exprimer plutôt les désaccords de politique intérieure. Valéry Giscard d’Estaing peut souligner, le 15 mai 1979, que « jamais, dans notre pays, le consensus sur l’Europe n’a été aussi grand. Personne, qu’il ait voté pour ou qu’il ait voté contre, ne propose aujourd’hui de sortir du Marché commun. Personne (…) ne propose aujourd’hui de modifier le traité de Rome ».

Et pourtant, le 23 juin 1981, l’entrée de ministres communistes dans le second gouvernement du septennat de François Mitterrand suit une déclaration commune du Parti socialiste et du Parti communiste français qui exprime ce consensus : « Les deux partis soutiendront activement la participation de la France à la CEE, à ses institutions, et à ses politiques communes, dans le respect de sa liberté d’action et de ses légitimes intérêts. »

Ainsi va le débat européen, refoulé puis repris au gré de la conjoncture. Ce numéro de Pouvoirs en exposait les racines dès septembre 1977. Il est ici publié à nouveau et enrichi, par des analyses sur les premières élections européennes et des tentatives d’explication sur ce qui, par rapport à nombre de pronostics, apparaît bien comme la stabilité institutionnelle de l’Europe.

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