Olivier DUHAMEL, Georges DUPUIS

Introduction

Pouvoirs n°46 - Droit administratif. Bilan critique - septembre 1988 - p.3

Dans sa préface des Principes généraux du Droit administratif, Gaston Jèze insiste sur la nécessité, pour le théoricien de ne jamais oublier la « synthèse critique » qui doit figurer, selon lui, dans toute présentation de l’ordre juridique. Certes, le danger est grand, ajoute-t-il, de verser « dans l’apologétique béate » comme le fit Laferrière pour la jurisprudence du Conseil
d’Etat ou « dans le dénigrement systématique, hargneux et passionné… ». Pouvoirs a voulu échapper à ces deux tendances fâcheuses, ce qui a été d’autant plus facile que cette revue est collective : les articles qui suivent sont signés de personnalités bien différentes dont « les sentiments purement subjectifs », pour citer encore Jèze, se corrigent mutuellement et dont les expériences se complètent heureusement.

Peut-être avait-on trop oublié cette utilité de « bilans critiques » dans la
science juridique et, dès lors, fallait-il renouer avec la tradition en préférant
délibérément à un impossible tableau exhaustif un simple repérage des
problèmes. Le moment est d’ailleurs bien choisi puisqu’une nouvelle réforme
du contentieux administratif se met en place. Sans doute révèle-t-elle une crise
qui risque d’être durable (100 000 dossiers en retard dans les tribunaux
administratifs). Comme l’écrit le vice-président du Conseil d’Etat, M. Marceau
Long : « La croissance rapide des requêtes, signe évident des nécessités
auxquelles elle répond, déclenche en même temps le clignotant de l’alarme :
si la décision du juge n’intervient pas dans des délais raisonnables de plus
en plus difficiles à tenir, l’affirmation des plus grands principes risque de
manquer son but. Une justice trop lente peut vite devenir dérisoire. » Alors une
loi (du 31 décembre 1987), issue d’un intéressant débat parlementaire (le
premier qui aboutit depuis 1872…), vient de créer cinq cours administratives
d’appel qui, dans un premier temps, tout au moins, désencombreront le
Conseil d’Etat (près de 25 000 dossiers en instance).

Mais, il est évident que si ce check-up du droit de l’Administration s’impose aujourd’hui, il pourrait n’être que le premier volet d’un plus vaste « bilan critique de l’état du droit ». Il reste donc à envisager pour l’avenir l’examen attentif da droit pénal, du droit social, du droit commercial…

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