Philippe ARDANT, Guy CARCASSONNE, Hugues PORTELLI

Introduction

Pouvoirs n°61 - Le sport - avril 1992 - p.3

Jeux olympiques, Mondiale, Coupe d’Afrique ou Championnat d’Europe de football, Coupe Davis, Circuit de formule 1 : avec ses millions de pratiquants et ses milliards de spectateurs, le sport, sous sa forme contemporaine, constitue un phénomène anthropologique universel dont la dimension politique et institutionnelle est évidente.

Au-delà de l’activité de loisir (au rôle pourtant croissant dans les sociétés
post-industrielles) , le sport de compétition est aujourd’hui la dimension décisive de ce phénomène :
-* spectacle permanent (accru par son traitement audiovisuel), il implique professionnalisation et donc intégration dans la sphère économique et commerciale;
-* activité rationalisée et bureaucratisée, il nécessite des règles de droit, des structures (clubs, ligues régionales, fédérations nationales et mondiales) et donc des rapports de pouvoirs spécifiques ;
-* reflet de la société, et notamment de la société urbanisée moderne, il reproduit, en son sein et sur sa périphérie, ses comportements (violence) et ses cultures ;
-* activité saisie par le politique, le sport, phénomène de masse, pèse sur les relations internationales (en nourrissant le patriotisme, voire le nationalisme : de son « traitement » par les régimes totalitaires à la fameuse guerre du football de 1969 entre le Honduras et le Salvador) mais aussi sur les solidarités locales (supporters, subventions municipales…) et devient donc un enjeu, voire une donnée des compétitions politiques;
-* pratiqué ou suivi, loisir ou spectacle, le sport est devenu, consécration suprême, tout à la fois une industrie florissante et un ensemble de politiques publiques au niveau national mais aussi local, voire transnational.

A travers la multiplication, à la fin des années 1960, des travaux essentiellement sociologiques sur le sport se manifestait une tendance, surtout en France, à dénoncer le sport et, à travers lui, un ensemble de références idéologiques (de la conception de l’ordre social aux formes substitutives de religion) fondamentalement aliénantes et inégalitaires.

L’ensemble des contributions de ce numéro, en considérant la dimension institutionnelle et le traitement politique du phénomène sportif, l’analyse pour ce qu’il est : un visage ambivalent de nos sociétés, à la fois moyen de corruption et espace d’excellence.

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